A l'heure actuelle, la procédure d'exécution de l'achat public se caractérise par :
- sa centralisation ;
- son morcellement entre plusieurs acteurs intervenant entre l'auteur initial d'une commande et le fournisseur ;
- la production et la circulation de documents papier divers, sans production d'informations synthétiques sur l'activité de commande de chaque service.
Les procédures financières publiques sont donc souvent critiquées pour leur complexité et leur absence de fluidité. Cette situation rejaillit tant sur les partenaires du service public, qui en supportent les coûts et les délais, que sur le personnel des services ordonnateurs.
La critique est particulièrement forte pour les achats de petit montant. En effet, les achats de moins de 150 – représentent, pour les services de l'Etat, des collectivités locales et des établissements publics, plus des deux tiers de leur activité de commande, mais 4% seulement de la valeur des achats. Les procédures actuelles pour ce type d'achats sont à la fois trop lourdes et trop complexes au regard de l'enjeu qu'ils représentent.
Le parti pris de la délégation du droit de commande
Le parti pris de la carte d'achat est de déléguer le droit de commande aux agents publics ayant besoin de biens et de services pour leur activité professionnelle. La délégation est source de simplification et de responsabilisation. Couplé à un système de reporting efficace, un tel outil permet d'améliorer le contrôle de l'utilisation des fonds. Les achats de petit montant se comprennent alors comme des achats pour lesquels la délégation est jugée utile à l'activité professionnelle de l'agent et source d'efficacité.
La carte d'achat est un concept qui rappelle celui des cartes d'essence : la nature et le montant des besoins professionnels du porteur sont analysés à l'avance et l'agent ne peut s'approvisionner que chez des fournisseurs déterminés. Un système informatique contrôle en permanence le respect des règles du jeu.
Le fonctionnement de l'outil carte d'achat repose sur les principes suivants :
- la contractualisation : la carte porte des budgets prédéterminés, et elle est utilisable chez des fournisseurs référencés par l'entité publique. Elle est paramétrée de manière à éviter les risques de franchissement de seuil ;
- la délégation : l'agent public détenant une carte d'achat se voit déléguer un droit de commande. De ce fait, il est placé au c'ur du système de validation du service fait ;
- le contrôle a posteriori : la hiérarchie contrôle des reporting globaux.
La notion d'achats non stratégiques
Dans la littérature de gestion, les achats de petit montant sont connus sous le terme de MRO, acronyme des termes anglais « Maintenance, Repairs and Operational Material ». Ce sont des produits standards tels que les fournitures de bureau, les services, les réservations de voyage, divers produits d'entretien ou de réparation, etc.
Ces produits ne contribuent pas directement à la mission de l'organisation mais sont essentiels pour le maintien de son activité. Leur absence remet en cause le fonctionnement quotidien mais non la mission générale de l'organisation. Ce sont généralement des achats non stratégiques qui n'entrent pas dans la délivrance directe du service. Ils se distinguent des achats stratégiques qui sont liés au c'ur de métier de l'organisation. Ce type d'analyse conduit l'acheteur à déterminer – en termes de commande – ce qui peut être délégué de ce qui ne peut l'être aux utilisateurs finaux.
La notion d'approvisionnement
A la différence de nombreux pays étrangers, l'achat public est généralement assimilé, en France, aux procédures qui l'encadrent – le code des marchés publics notamment. Or les règles des marchés publics ne font pour l'essentiel qu'encadrer la procédure de choix des fournisseurs des administrations publiques, alors que l'acte d'achat comprend un certain nombre de phases en amont et en aval de ce choix.
Ces différentes phases, qui vont de l'étude du besoin au suivi de l'exécution du contrat, en passant par le pilotage de l'activité des acheteurs, apparaissent aussi déterminantes pour l'efficacité de l'achat que la simple application des normes juridiques. L'achat public doit donc d'abord avoir pour objectif de fournir à un utilisateur déterminé le meilleur bien ou service au meilleur coût, ce qui permettra, in fine, d'offrir aux citoyens le meilleur service public. Les phases amont et aval de l'achat public constituent le cycle d'achat.
La première phase d'un cycle d'achat conduit l'acheteur à analyser et à anticiper ses besoins, à rechercher et à analyser les solutions proposées par les fournisseurs, mais également à analyser sa propre méthode d'approvisionnement et sa logistique, en s'inspirant des bonnes pratiques en la matière.
La phase suivante conduit à sélectionner les fournisseurs selon une procédure formelle et balisée.
Enfin, l'approvisionnement conduit à satisfaire au quotidien les besoins des utilisateurs, à contrôler et à rechercher des éléments de mesure, et à améliorer la procédure, notamment en termes de coût et de logistique. La carte d'achat est un outil au service d'une meilleure efficacité de l'approvisionnement.
La notion de coût d'approvisionnement
Les gestionnaires privés s'accordent pour souligner que le traitement d'une commande coûte cher. Les estimations vont de 40 à 140 – par commande dans la sphère privée. Cet écart important provient de différences dans la définition du périmètre de calcul incluant ou non la facturation, le paiement et la résolution des éventuels litiges.
Il ressort des études préalables menées par la direction générale de la Comptabilité publique, dans le cadre du projet carte d'achat, que le traitement d'une commande publique – commande proprement dite et exécution du paiement – génère un coût fixe de l'ordre de 80 €, coût qui croît ensuite progressivement en fonction du montant de l'achat. Est concerné l'ensemble de la chaîne d'exécution chez l'ordonnateur et le comptable. Il faut que le montant de la facture atteigne 1.500 € ou plus pour que le coût complet de la commande représente moins de 5% du montant de la facture.