L’effort centralisateur de la monarchie française
Depuis le Moyen-âge, la monarchie française s’était efforcée d’affirmer son autorité sur "un agrégat inconstitué de peuples désunis" selon l’expression de Mirabeau. Elle avait ainsi tenté de rogner sur les innombrables franchises, privilèges, libertés auxquels elle avait dû consentir lors de l’entrée dans le royaume des nouvelles entités.
Pourtant, à la fin du XVIIIe siècle, le Contrôleur général des Finances, Calonne, constate avec dépit : "on ne peut pas faire un pas dans ce vaste royaume sans y trouver des lois différentes, des usages contraires, des privilèges, des droits et des prétentions de toute espèce".
Malgré tous les efforts de la monarchie absolue, en particulier au XVIIe siècle où se dessine clairement un projet centralisateur, notamment mis en œuvre par Colbert, la centralisation reste assez largement un horizon à la veille de la Révolution française.
La Révolution française impose la centralisation
Car ce n’est pas la monarchie française qui va mettre en œuvre l’unification nationale mais bien le renversement de la société d’Ancien Régime par la bourrasque révolutionnaire. En faisant table rase, la Révolution pose les fondations d’un nouvel édifice social.
À la confusion administrative des provinces se substitue une organisation territoriale uniforme avec des circonscriptions identiques dans tout le pays : départements, arrondissements, cantons, communes. L’unification s’impose également dans le domaine des institutions financières, judiciaires, économiques et même religieux, les poids et mesures sont uniformisés sur l’ensemble du territoire, les douanes intérieures sont supprimées. La volonté d’imposer le Français entraîne un fort recul des patois et dialectes. Pourtant, l’effort d’unification ne signifiait pas nécessairement centralisation.
La Révolution, à ses origines, se veut largement décentralisatrice, mais la victoire des Montagnards, appuyés sur le club des Jacobins, sur les Girondins, aboutit à la dictature jacobine du Salut public fondée sur la Terreur. La centralisation jacobine autour de la capitale s’impose dans la France nouvelle, officiellement proclamée "une et indivisible".
Le Consulat et l’Empire parachèvent l’œuvre de centralisation
Héritier de la France révolutionnaire, Bonaparte accentuera la centralisation en décidant que les membres des assemblées locales cessent désormais d’être élus et sont désignés par le gouvernement, que les maires des localités de plus de 5 000 habitants sont nommés par le Premier Consul et, surtout, que dans chaque département, un fonctionnaire unique nommé par le pouvoir central, le préfet, administre le territoire. C’est cette organisation, très centralisée, que l’Empire lèguera à la France du XIXe siècle.
Le XIXe siècle ne remet pas en cause la centralisation
Les différents régimes qui se succèdent au cours du XIXe siècle vont maintenir inchangées les structures centralisatrices héritées de la Révolution et de l’Empire qui assurent l’unité nationale et le pouvoir du gouvernement central sur le pays tout entier.
Tour à tour la monarchie constitutionnelle, la Seconde République, le Second Empire, la IIIe République, avec quelques nuances, adopteront une même organisation administrative. On aurait pu penser que la critique par les républicains de l’autoritarisme impérial et du rôle des préfets dans le fonctionnement de l’Empire aurait pu remettre en cause le système d’étroite centralisation qui prévalait depuis le début du siècle. Mais l’inquiétude née de l’insurrection de la Commune détourne les républicains qui gouvernent le pays de toute tentation de cet ordre.
La loi municipale de 1884 rendra certes au conseil municipal élu le droit de désigner le maire dans toutes les communes (sauf dans la capitale) mais maintiendra la tutelle préfectorale à l’instar de la grande loi du 10 août 1871 pour les départements.
Michelet, dans son ouvrage "Notre France" (1886), témoigne : "cette belle centralisation par quoi la France est la France, elle attriste au premier coup d’œil. La vie est au centre, aux extrémités ; l’intermédiaire est faible et pâle. Entre la riche banlieue de Paris et la riche Flandre, vous traversez la triste Picardie ; c’est le sort des provinces centralisées qui ne sont pas le centre même. Il semble que cette attraction puissante les ait affaiblies, atténuées".
Malgré des voix isolées qui dénoncent l’envers négatif du système centralisé, la cause semble entendue au début du XXe siècle. La centralisation jacobine est partie intégrante du modèle républicain tel qu’il triomphe avant la première guerre mondiale.
De la centralisation à la décentralisation
La Première guerre mondiale va commencer à saper ce pilier du modèle républicain. Le retour à la France des départements d’Alsace et de la Moselle, annexés par l’Allemagne en 1871, ramène en effet dans l’ensemble national des territoires qui conservent le statut concordataire en matière religieuse et n’ont pas connu la loi de séparation des églises et de l’État en 1905.
En 1919, il est décidé de laisser aux trois départements le bénéfice du Concordat. Toutefois, cette entorse aux principes centralisateurs restera un cas unique. Dans le domaine économique et social, un premier acte est posé en avril 1919 par Étienne Clémentel, ministre de l’industrie et du commerce, qui décide la création, autour de l’ossature des Chambres de commerce, de dix-sept groupements économiques régionaux que l’on peut considérer comme les ancêtres des régions économiques. La régionalisation économique, conçue dans une logique de rénovation de l’État et d’instrument de planification et d’aménagement du territoire constituera, sous les IVe et Ve Républiques, la ligne directrice de la décentralisation.
En 1941, le gouvernement de Vichy nommera dix-huit préfets régionaux, exécutants du pouvoir central en matière de police, ravitaillement et prix. Leur succèdent à la libération autant de Commissaires de la République, désignés par le gouvernement provisoire en janvier 1944. Cette mesure d’exception sera levée en mars 1946. Pour la première fois, la Constitution française du 27 octobre 1946, consacrera un titre aux collectivités territoriales.
En 1947, le livre au titre-choc du géographe Jean-François Gravier, "Paris et le désert français" relance la réflexion sur l’équilibre de développement des territoires. La période d’après-guerre marque en effet une prise de conscience des inégalités du développement régional dans le contexte de rationalisation économique qui accompagne la reconstruction du pays. Le cadre départemental était jugé depuis longtemps trop étroit pour le développement économique et social. Les problèmes d’activités et de l’emploi devaient être appréhendés sur une échelle plus large.
Aussi, en 1955-1956, plusieurs décrets instituent vingt-et-une régions de programme, circonscriptions d’action régionale tournées vers le développement économique. Ces regroupements de départements ne constituent cependant pas des entités administratives nouvelles et encore moins des collectivités locales. C’est sur ces bases que le général De Gaulle, après son retour au pouvoir, l’instauration de la Ve République et la fin de la guerre d’Algérie, lance, par décret du 14 mars 1964, la régionalisation conçue comme un des éléments de la rénovation de l’État et dont il définit dans ses Mémoires d’espoir les intentions et les limites.
Constatant que le département et la commune sont désormais des circonscriptions inadaptées aux réalités économiques et sociales, il écrit : "comme il se trouve que les anciennes provinces ont conservé leur réalité humaine, en dépit de leur officielle abolition, il n’est que de les faire renaître sur le plan économique, par-dessus les départements, sous la forme et le nom de régions, chacune ayant la taille voulu pour devenir le cadre d’une activité déterminée".
Le cadre étatique n’est cependant pas remis en question. Les entités sont placées sous la tutelle des préfets de région. Ce dernier prépare et exécute la tranche régionale du plan, il exerce une autorité hiérarchique sur les chefs des services extérieurs de l’État. Une mission régionale (futur secrétariat général pour les affaires régionales – SGAR) l’assiste, petite équipe de chargés de mission recrutés dans les différents corps de l’administration. Le préfet de région consulte la conférence administrative régionale (CAR), comprenant les préfets de départements et des hauts fonctionnaires. Il recueille aussi l’avis de la commission de développement économique régionale (CODER) où siègent élus locaux, représentants des organisations socioprofessionnelles ou personnalités nommées.
La crise de 1968 conduit le général De Gaulle à franchir un nouveau pas dans la conception d’une régionalisation qui s’achemine lentement vers une forme de décentralisation. Ainsi, à Lyon, le 24 mars 1968, proclame-t-il : "l’évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L’effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire à notre pays pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain".
Le 27 avril 1969, le Président de la République soumet au référendum un projet de loi relatif à la transformation des circonscriptions régionales en collectivités territoriales se superposant aux départements. Ces collectivités disposaient d’un conseil régional délibératif sur le modèle du conseil général, le préfet de région jouant le double rôle de délégué du gouvernement et d’exécutif régional. Toutefois, le conseil régional n’est pas élu au suffrage universel direct mais constitué par les députés à l’Assemblée nationale élus dans la région, des conseillers territoriaux élus au second degré par les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux et des représentants désignés par les organismes socioprofessionnels représentatifs. Survenant moins d’un an après la lame de fond contestataire de mai 1968 et lié à une réforme du Sénat, le non au référendum l’emportait, entraînant le départ du général De Gaulle.
Sous la présidence de Georges Pompidou, tandis que la Corse, vingt-deuxième région, est détachée de la Provence-Côte d’Azur en 1970, la loi du 5 juillet 1972 confère aux régions le statut d’établissement public, personne morale soumise au principe de spécialisation. Elles se voient confier le développement économique régional, la participation à l’élaboration et à l’exécution du plan, la réalisation d’équipements d’intérêt régional. Le préfet de région assure l’exécutif de l’établissement public. Le conseil régional est composé d’élus de la région et munis de certains pouvoirs de décision. La région dispose d’un budget propre.
En novembre 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing, constatant "une aspiration nouvelle des citoyens à participer à la gestion de leur quartier, de leur village, de leur cité", confie à Olivier Guichard, le premier délégué de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), créée en 1963 la présidence d’une commission chargée d’esquisser une réforme des institutions locales. En septembre 1976, le rapport "Vivre ensemble" recommande un véritable renversement des rôles entre l’État et les collectivités territoriales dans tous les domaines de la vie quotidienne : "l’État s’est en effet englué dans le quotidien. Il est de plus en plus appelé à entrer dans la gestion quotidienne de la vie des français : éducation, habitat, santé, etc… Ainsi pris, l’État n’a souvent ni le temps ni le recul suffisant pour jouer le jeu que la collectivité attend de lui".
Durant l’été 1977, un questionnaire aux maires de France reçoit plus de 16 000 réponses : refus de la tutelle étatique, volonté d’exercer des compétences plus nombreuses en relation avec la vie quotidienne des gens, revendication de moyens humains et financiers. Inspiré du rapport Guichard, un projet de loi sur le développement des responsabilités locales est présenté au Sénat par le ministre de l’intérieur, Christian Bonnet, et adopté en première lecture le 22 avril 1980. Toutefois, il ne viendra pas en discussion devant l’Assemblée nationale.
Le tournant de 1982
En 1981, suite à l’élection de François Mitterrand, le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, maire de Marseille, Gaston Defferre, s’attelle à préparer la grande réforme de la décentralisation. À partir de juillet 1981, le projet de loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, premier projet de loi soumis au Parlement nouvellement élu, est débattu.
La loi est votée le 28 janvier 1982 et promulguée le 2 mars 1982. Complétée par la loi du 22 juillet 1982, elle introduit d’importantes modifications dans l’organisation territoriale du pays dont les plus notables sont : l’institution du président du conseil général en exécutif de département à la place du préfet ; le remplacement de la tutelle administrative a priori par un contrôle juridictionnel a posteriori ; la création d’une nouvelle juridiction financière : la Chambre régionale des comptes dont l’une des missions est d’assister le préfet en matière de contrôle budgétaire ; la promotion de la région en collectivité territoriale à part entière, dotée d’un conseil élu au suffrage universel ; dans chaque département et région, le représentant de l’État (dénommé dans la loi du 2 mars 1982 "commissaire de la République") continue d’avoir la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, de l’ordre public et du contrôle administratif. Les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 ont modifié la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.
De 1982 à 1986, 25 lois complétées par environ 200 décrets se succèdent. C’est ce qu’on a appelé "l’Acte I de la décentralisation". La loi d’orientation relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 a pour ambition de donner un second souffle à la décentralisation en relançant la coopération intercommunale ainsi que la démocratie locale et en renforçant la déconcentration, réformes prolongées par la loi du 4 février 1995 sur l’aménagement et le développement du territoire et surtout par la loi dite Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la coopération intercommunale. La loi Voynet du 25 juin 1999, relative à l’aménagement et au développement durable, la loi dite "solidarité et renouvellement urbain" du 13 décembre 2000, ainsi que la loi sur la démocratie de proximité du 28 février 2002, complètent ce dispositif.
L’Acte II de la décentralisation
Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de Jacques Chirac, lance l’Acte II de la décentralisation en 2003. Promulguée le 28 mars 2003, la loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République a été suivie de plusieurs lois organiques nécessaires à son application. Elle a précédé l’adoption d’un important transfert de compétences nouvelles au profit des collectivités territoriales.
La réforme constitutionnelle actualise le cadre juridique hérité du texte constitutionnel de 1958 et pose de nouveaux principes. La réforme fut adoptée par la voie du Congrès et non par celle du référendum. La discussion devant les assemblées s’est accompagnée, en parallèle, d’un débat dans l’opinion, réalisé par la tenue d’Assises sur les libertés locales dans chacune des régions françaises. La loi constitutionnelle a modifié profondément le titre XII de la constitution consacré aux collectivités territoriales, ajouté cinq articles nouveaux (articles 72-1, 72-2, 72-3 et 72-4 ainsi que l’article 74-1) et complètement réécrit les articles 72, 73 et 74 de la Constitution. En dehors du titre XII, elle a ajouté un article 37-1 et modifié, parfois de manière purement rédactionnelle, les articles 1, 7, 13, 34, 39 et 60. Le principe de l’organisation décentralisée de la République est posé (article 1er de la Constitution) et la région trouve sa consécration constitutionnelle.
Plusieurs lois organiques, voulues par le constituant, ont été publiées dans la foulée de la révision constitutionnelle. Il s’agit de la loi organique du 1er août 2003, relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales préalable à toute politique différenciée de décentralisation, et de celle du même jour relative au référendum local qui correspond à la nécessité d’affirmer de nouvelles formes de démocratie participative. Enfin, la loi organique du 29 juillet 2004, prise en application de l’article 72-2 de la Constitution, relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, précise la notion de ressources propres qui doivent constituer la part déterminante parmi les ressources des collectivités. S’agissant du transfert des compétences, un vaste projet de loi relatif aux responsabilités locales fut discuté pendant plusieurs mois au Parlement avant de devenir la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. La loi transfère de nouvelles compétences aux collectivités territoriales dans le domaine du développement économique, du tourisme, de la formation professionnelle ou concernant certaines infrastructures comme les routes, les aérodromes, les ports, en matière de logement social et de construction, d’enseignement ou de patrimoine. Certaines de ses dispositions ont un caractère expérimental, pour une durée qui n’excède pas cinq ans. Elle comporte aussi un mouvement non négligeable de transfert de personnels de l’État vers les collectivités, notamment les agents techniciens et ouvriers de service (TOS) employés dans les collèges et les lycées, et des agents de l’équipement. De manière un peu paradoxale, la réforme, qui se fixait à l’origine un objectif de renforcement des compétences du niveau régional, débouchera surtout, à la faveur de la discussion parlementaire, sur le renforcement du rôle et des compétences dévolues aux départements, en particulier dans le domaine social.
Les nouveaux enjeux de la décentralisation
Les réformes engagées sous le quinquennat du président Sarkozy marquent une certaine rupture par rapport à la stratégie des deux premiers actes de la décentralisation. Alors que ces derniers s’étaient avant tout focalisés sur les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, l’objectif revendiqué par le nouveau pouvoir politique est à présent de rechercher une simplification du paysage institutionnel local, un renforcement de la démocratie locale et une adaptation des structures à la diversité des territoires, favorisant ainsi l’enracinement d’une décentralisation arrivée à maturité. Par ailleurs, les réformes du quinquennat intègrent la contrainte forte qui pèse sur les finances publiques dans le contexte de la crise financière et économique qui s’ouvre à partir de 2007. À bien des égards, les collectivités territoriales françaises entrent dans une ère nouvelle depuis les lois de décentralisation de 1982, celle de la régulation, à la fois institutionnelle et financière.
Aboutissement d’un long travail de concertation, marqué notamment par les travaux du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, et d’un long dialogue avec le Parlement, la loi de réforme des collectivités territoriales a été promulguée le 16 décembre 2010. Son premier volet vise l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale ainsi que la démocratisation des intercommunalités qui doit trouver sa traduction lors des élections municipales de 2014. Parallèlement, la loi prévoit que les régions et départements, aux compétences mieux définies par la suppression de la clause générale de compétence et qui sont dotés d’un élu commun, le conseiller territorial, pourront adapter dans chaque région, dès 2015, la répartition de leurs compétences et l’organisation de leurs services. Différentes dispositions permettent en outre d’adapter les institutions locales à la diversité des territoires : métropoles et pôles métropolitains, regroupements des départements et des régions, évolution d’une région et des départements qui la composent vers une collectivité unique, fusion de communes avec le dispositif des communes nouvelles, etc. Enfin, la loi comporte d’importantes avancées en termes de mutualisation qui permettront de tirer le meilleur profit des rapprochements ainsi opérés tant au plan communal et intercommunal qu’entre régions et départements, dans le respect du droit communautaire.
Par ailleurs, dans un contexte de maîtrise accrue des finances publiques, les collectivités territoriales sont davantage associées aux efforts de l’État en matière de maîtrise des déficits publics. Une importante réforme de la fiscalité locale est introduite avec la suppression de la taxe professionnelle en 2010 et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET), formée d’une cotisation foncière des entreprises (CFE) et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). A la suite de la conférence des déficits publics, qui s’est tenue le 20 mai 2010, sous l’égide du Président de la République et dont les conclusions s’appuieront, entre autres, sur le rapport Carrez-Thénault relatif à la maîtrise des dépenses locales, plusieurs décisions sont prises. Tout d’abord, le Gouvernement décide un gel triennal des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (2011-2013).
Il décide ensuite un renforcement sans précédent des mécanismes de péréquation entre les territoires. Ainsi, la péréquation verticale (qui concerne la répartition des dotations que l’État verse aux collectivités territoriales) progresse fortement : la part de la DGF consacrée à la péréquation, qui était de 4,5 milliards d’euros en 2004 (12,3 % de la DGF totale) s’élève en 2011 à 7,1 milliards d'euros (17,2 % de la DGF totale). Parallèlement, une impulsion décisive en faveur du renforcement de la péréquation horizontale (entre les collectivités elles-mêmes) a été donnée. Quatre nouveaux fonds nationaux de péréquation horizontale sont mis en place et montent en puissance progressivement. Ainsi, en 2011, un nouveau dispositif de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), perçus par les départements, est mis en œuvre. En 2012, un fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC) est créé afin de diminuer les inégalités de ressources fiscales au sein du bloc communal (communes et EPCI). Il va constituer, à l’horizon 2016, le plus vaste édifice de solidarité du bloc communal jamais mis en œuvre à l’échelle nationale. Ce fonds va redistribuer 150 millions d'euros dès 2012 et montera progressivement en charge jusqu’en 2016 pour redistribuer 2 % des recettes communales et intercommunales, soit plus de 1 milliard d’euros.
Enfin, en 2013, une péréquation sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre les départements et entre les régions complètera le dispositif de redistribution entre les territoires.
Enfin, toujours à la suite des décisions de la conférence des déficits, un effort de maîtrise et de simplification des normes imposées aux collectivités territoriales a été entrepris. Le Premier ministre François Fillon a ainsi décidé un moratoire des normes, créé un commissaire à la simplification et imposé une procédure d’évaluation de la proportionnalité des mesures réglementaires, obligeant désormais les administrations à rechercher, dès le stade de la conception de la norme, la réglementation la plus économe de moyens.
La décentralisation au cœur de la réforme de l'action publique
Avec l'élection à la présidence de la République française de François Hollande, le 6 mai 2012, c'est une nouvelle étape de la décentralisation qui s'ouvre.
Elle se fixe comme objectif de rétablir les conditions de la confiance entre l'État, dépositaire des valeurs de la Nation et de la République, et les collectivités territoriales, acteurs essentiels de la vitalité des territoires et du lien social. La confiance s'établira dans le dialogue qui doit être profondément rénové. Il devra permettre de concilier dans un même objectif la réforme de l'État et la décentralisation dans le souci de redresser la situation de notre pays en s'appuyant sur la complémentarité entre les acteurs de l'État et celle des collectivités territoriales.
Au terme de ce survol historique, on perçoit clairement combien la décentralisation, qui s’est désormais imposée comme un patrimoine incontestable de la République, n’a cessé d’être en mouvement et d’intégrer sans cesse de nouveaux enjeux et de nouveaux défis.