Définition
La gestion de fait s’applique, selon l’article 60-XI de la loi de finances n°63-156 du 23 Février 1963, à « toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public », ou « reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public ».
La gestion de fait est donc le maniement de deniers publics par une personne n’ayant pas la qualité de comptable public. Il s’agit d’une violation du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables. La constitution d’une gestion de fait assimile le gestionnaire de fait à un comptable public; il doit donc rendre compte de sa gestion dans les mêmes conditions qu’un comptable patent et peut dès lors être sanctionné selon une procédure spécifique par les juridictions financières (les Chambre Régionale des Comptes pour les collectivités locales).
L'article L. 231-3 du code des juridictions financières attribue en effet compétence à la chambre régionale des comptes pour juger « dans les mêmes formes et sous les mêmes sanctions (que les comptabilités régulières) les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait d'une collectivité ou d'un établissement public relevant de sa compétence ». En outre, l'article L. 231-5 spécifie que « la chambre régionale des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ».
Force est de constater que, si le nombre de cas de gestion de fait reste somme toute très limité (22 procédures ont été ouvertes en 2005), la diversification très grande des activités locales et la nécessité pour les collectivités locales de répondre aux demandes multiples de la population ont eu tendance à exposer davantage les ordonnateurs au risque de la gestion de fait.
Jurisprudence
Selon la jurisprudence des Chambres régionales des comptes, il y a gestion de fait dans les cas suivants :
- lorsque l’objet réel du versement d’une subvention diffère de celui qui est annoncé, et vise à payer des dépenses irrégulières (indemnités de personnel, par exemple);
- lorsque l’association exerce en réalité la gestion déléguée d’un service public sans en avoir la qualité : il est indispensable qu’une convention soit signée entre les parties.
En l’absence de convention, les Chambres Régionales des Comptes recherchent la qualification de service public de l’activité exercée par l’association. Elles cherchent également à déterminer le degré de dépendance de l’association par rapport à la collectivité, par l’application de la méthode dite du faisceau d’indices.
- lorsque l’association, sans gérer un service ou un équipement public, encaisse sans titre des recettes communales : ainsi, il peut y avoir gestion de fait lors de l’encaissement, par une association, de recettes provenant de manifestations organisées par la commune (CRC Corse, 14 Avril 1988 : recettes d’un festival réalisé par un office de tourisme municipal et conservées par un organisateur de spectacles), ou lorsque l’association n’a pas d’existence réelle (CRC, Alsace, 20 Janvier 1987, et CRC Champagne-Ardenne, 18 Février 1988 : comités des fêtes composés d’élus et dépourvus de personnalité juridique).
Procédure
La procédure de gestion de fait présente des analogies avec le jugement du comptable public, le principe étant de soumettre comptables de faits et comptables publics à un régime de personnalité pécuniaire analogue.
L'article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963 prévoit que les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet de poursuites au titre du délit d'usurpation de fonctions (prévu par l'article 433-12 du code pénal et puni de trois ans d'emprisonnement, de 300.000 francs d'amende et de peines complémentaires par l'article 433-22), être condamnés aux amendes prévues par la loi. Le délai de prescription est actuellement fixé à dix ans.
Les principales étapes sont les suivantes :
- la chambre régionale des comptes prononce un arrêt de déclaration de gestion de fait provisoire, qui devient définitif après contradiction avec les gestionnaires de fait et en audience publique. Cet arrêt précise le périmètre des opérations concernées et la liste des gestionnaires de fait poursuivis ;
- les gestionnaires de fait sont alors tenus de produire le « compte de la gestion de fait », c’est-à-dire l’état des opérations réalisées assorti des pièces justificatives disponibles, et demandent à l’assemblée délibérante de statuer sur l’utilité publique des dépenses réalisées. Celle-ci peut être assimilée à une autorisation budgétaire de régularisation.
- sur cette base, le juge adresse alors aux comptables de fait une injonction de reverser les sommes dont l’utilité publique n’a pas été reconnue, ainsi que celles dont l’utilité publique a été reconnue mais pour lesquelles les justifications produites sont jugées insuffisantes ;
- s’il n’est pas satisfait à l’injonction, le juge prononce en audience publique un arrêt de débet. Il peut en outre infliger une amende modulée en fonction de la gravité des faits, dont le montant maximal correspond à celui des sommes indument maniées.
Jusqu’à la loi du 21 décembre 2001, les élus locaux déclarés gestionnaires de fait étaient inéligibles jusqu’à la fin de la procédure. Cette sanction a été remplacée par une suspension de l’élu local de ses fonctions d’ordonnateur pendant la durée de la procédure.