Cette rubrique présente les différents instruments de couverture du risque lié aux taux d'intérêt. Pour pallier les éventuelles difficultés que peuvent représenter les emprunts pour les collectivités locales, la circulaire interministérielle NOR/IOC/B/10/15077/C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités locales et à leurs établissements publics réglemente ce domaine. Cette circulaire abroge les circulaires du 15 septembre 1992 (NOR/INT/B/92/00260/C) et du 4 avril 2003 (NOR/LBL/B/03/10032/C).
Dans le cadre d'une gestion active de leur dette, les collectivités ont la possibilité de se prémunir contre le risque de taux d'intérêt par divers instruments.
Le décret n°2014-984du 28 août 2014 pris en application de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, fixe les conditions destinées à encadrer le recours aux contrats financiers afin de limiter les risques financiers qui peuvent en découler.
Les contrats complexes
Certains contrats d'emprunt laissent à la collectivité locale la possibilité d'opter parmi plusieurs taux d'intérêt différents au moment du tirage, ainsi que de modifier le choix initial de taux pendant la période d'amortissement de l'emprunt.
Cette souplesse caractérise notamment les conventions de financement à options multiples ou MOF ( multi options facilities ). Elle permet de profiter à tout moment des évolutions les plus favorables des taux, compte tenu des tendances observées et des anticipations. Ces clauses d'options de taux d'intérêt accroissent le coût de gestion du crédit par la banque et se traduisent par une marge supplémentaire ou des frais accessoires spécifiques. Aussi, ces contrats complexes ne conduisent à des économies significatives que dans la mesure où les options permettent effectivement d'optimiser la gestion de la dette.
Les contrats dématérialisés
Les contrats de couverture des risques de taux d'intérêt sont des opérations de gestion financière active de l'encours de dette. Ils se traduisent par des mouvements financiers représentant des différentiels d'intérêts.
En ce sens, ils se différencient des contrats d'emprunt au sens strict. Les contrats de couverture des risques de taux d'intérêt sont en effet totalement dissociés juridiquement de l'opération d'emprunt couverte, de ce fait, peuvent être contractés avec une autre banque que celle auprès de laquelle a été réalisé le prêt initial. Il s'agit de contrats « dématérialisés ».
Les opérations de couverture des risques de taux d'intérêt n'apportent donc pas de ressources budgétaires d'investissement. Elles n'affectent que la section de fonctionnement, sous forme d'intérêts à verser ou à recevoir.
La circulaire interministérielle NOR/IOC/B/10/15077/C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités locales et à leurs établissements publics précise les règles spécifiques à la souscription des instruments de couverture et reprend en annexe 2 les produits dérivés de couverture de risques autorisés.
Le décret n°2014-984 du 28 août 2014 pris en application de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, vient encadrer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales sont autorisées à souscrire des contrats financiers :
- le contrat financier doit être adossé à un ou plusieurs contrats d'emprunts (article R. 1611-34 du CGCT) ;
- les effets produits par l'opération de couverture sur le contrat de prêt doivent répondre aux conditions de simplicité et de prévisibilité des charges fixées à l'article R. 1611-34 du CGCT.
Par exception, une dérogation à ces règles est autorisée lorsqu’une collectivité territoriale cherche à réduire les risques qu’elle a pris du fait d’un emprunt ou d'un contrat financier souscrit avant le 1er octobre 2014, date d'entrée en vigueur de la loi, afin de permettre une désensibilisation du stock de crédits à risque. Dans ce cas, la banque concernée est tenue de fournir à la collectivité un document explicitant la baisse de risque permise par ce nouveau contrat d'emprunt ou contrat financier.
Les contrats de couverture des risques de taux d'intérêt permettent :
- d'échanger un taux contre un autre pour un même capital de référence : contrat d'échange de taux d'intérêt (swap) ;
- de limiter la fluctuation à l'intérieur de limites définies : contrats d accord de taux futur (future rate agreement ou FRA) ou contrat de terme contre terme ( forward/forward ) ;
- d'assurer un taux : contrat de garantie de taux plafond ( cap ), contrat de garantie de taux plancher ( floor ), contrat de garantie de taux plafond et de taux plancher ( Tunnel ou collar ).
Ces instruments de couverture peuvent par ailleurs se décliner en une gamme très variée de produits permettant notamment, en ce qui concerne les produits optionnels sur swap :
- de se réserver la possibilité de réaliser ou pas un swap à une échéance choisie (option sur swap ou swaption ) ;
- de se garantir un swap à taux fixe inférieur au taux du marché (swap à taux bonifiés) ;
- de se réserver le droit de prolonger un swap (swap prolongeable).
L'ensemble de ces produits se caractérise par :
- la définition de la valeur de l'encours sur lequel porte la garantie ;
- la définition des taux de référence dont les variations peuvent engendrer des risques à couvrir ;
- le «prix d'exercice», c'est-à-dire le niveau de taux à partir duquel la protection est activée ;
- la durée de vie de la couverture, et la possibilité de différer sa date de départ ;
- le versement d'une prime dans le cas des options, représentant le « prix » et le coût de l'option, exprimée en pourcentage du capital courant et réglée à la conclusion de l'opération (sauf stratégies à primes nulles) ;
- leur liquidité (cotations acheteur-vendeur à tout moment).
Le calcul de la prime que verse la collectivité dépend :
- de la valeur intrinsèque de l'option (taux à terme anticipés et écart avec le taux garanti) ;
- de la durée de la couverture ;
- de la volatilité estimée et spécifique des taux de référence ;
- du marché (niveau de l'offre et de la demande).
Une collectivité a toujours la possibilité de « se sortir » d'un swap perdant :
- soit en retournant le swap, c'est-à-dire en modifiant son anticipation de l'évolution des taux, moyennant le versement d'une indemnité actuarielle (opération de « débouclage » du swap) ;
- soit en cédant le contrat de swap à un établissement financier qui accepte de le prendre pour son compte moyennant une soulte.
Les règles fondamentales
L'interdiction de l'usage spéculatif
Les collectivités locales ne peuvent légalement agir que pour des motifs d'intérêt général, ce qui exclut la finalité purement spéculative. Pour être qualifiés d'instruments de couverture des risques financiers, ces contrats doivent remplir plusieurs conditions définies par le Conseil national de la comptabilité dans son avis du 10 juillet 1987 (circulaire interministérielle NOR/IOC/B/10/15077/C du 25 juin 2010).
Combinaison avec l'obligation de dépôt des fonds des collectivités et des établissements publics locaux au Trésor
Les instruments qui contreviennent à l'obligation de dépôt des disponibilités auprès du Trésor public ne peuvent être utilisés. En conséquence sont considérés comme illégaux les contrats sur le marché à terme des instruments financiers (MATIF), les clauses contractuelles prévoyant une rémunération de la prime de garantie de taux d'intérêt ou de la commission encaissée lors de la conclusion du contrat, à l'exception des soultes versées dans le cadre de « débouclages » d'opérations (retournements et assignations de swap) qui s'assimilent davantage à une logique d'indemnité actuarielle.
Les risques et contrôles
Analyse des risques
Les opérations de couverture des risques de taux d'intérêt sont par nature aléatoires, car elles sont liées à des anticipations sur les évolutions des marchés financiers. Elles peuvent, dans ces conditions, engendrer des pertes conséquentes qui viendront augmenter à due concurrence le coût originel des éléments de l'encours de dette couvert.
Le recours aux instruments de couverture des taux d'intérêt a un coût pour les collectivités (versement d'une prime initiale, indemnité de retournement du swap, etc.). Les gains escomptés de la souscription d'instruments de couverture des risques de taux d'intérêt doivent ainsi toujours être comparés avec les avantages que peuvent également procurer, de ce point de vue, les autres techniques, plus traditionnelles et mieux connues, de gestion active de la dette (remboursements anticipés, options d'index permises par les contrats complexes, gestion de trésorerie...).
Contrôles
Saisis des délibérations ou décisions relatives à la souscription de contrats de couverture des risques de taux d'intérêt, les services préfectoraux de contrôle de la légalité doivent prioritairement s'attacher à l'examen des points suivants :
Risques de contrepartie
Les collectivités locales et leurs établissements ne doivent souscrire ces contrats qu'auprès d'établissements de crédit tels que définis par le code monétaire et financier.
Le montant et la composition de l'encours de dette couvert
Le montant total des dettes couvertes par les contrats ne peut en aucun cas excéder le montant total de la dette existante, augmenté de la dette inscrite au budget en cours d'exercice (« compte 16 — Emprunts et dettes à long ou moyen terme »). Par ailleurs, le capital de référence des contrats de couverture ne peut être adossé à d'autres types de financements que l'emprunt, telles les lignes de trésorerie ou les annuités de crédit-bail.
L'information de l'organe délibérant
La délibération ou la décision de recours à des contrats de couverture des risques de taux d'intérêt doivent être précédées d'un rapport présentant une analyse financière de l'opération envisagée L'assemblée délibérante devra, par ailleurs, être tenue informée de l'exécution des opérations de couverture des risques de taux d'intérêt.
Le renouvellement de l'autorisation donnée à l'exécutif
L'autorisation donnée à l'exécutif d'exécuter les opérations de gestion subséquentes n'est valable que jusqu'à la fin de l'année et doit être renouvelée pour chaque exercice.
L'évolution des contrats de couverture des risques de taux
La décision portant annulation d'un contrat de couverture des risques de taux d'intérêt requiert une délibération explicite de l'assemblée délibérante lorsqu'elle consiste à céder le contrat à un établissement financier. En effet, la décision d'annulation ne peut pas être interprétée comme une opération de gestion du contrat de couverture et aboutit à intégrer une nouvelle partie au contrat initial.
L'absence de placement illégal de trésorerie
Certains contrats de couverture des risques de taux d'intérêt ont pu s'appuyer sur des montages caractéristiques d'un placement de trésorerie irrégulier. Ces montages consistent en général à prévoir le versement immédiat d'une soulte assortie d'une clause permettant de résilier le contrat et d'assurer le remboursement et la rémunération de la soulte versée initialement. Ce type de contrat est contraire à la règle de dépôt obligatoire des disponibilités auprès du Trésor public, fixée par l'article 26-3° de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).