Plus que jamais les experts doivent expliquer leur métier pour entretenir la confiance des utilisateurs dans leur expertise. Ce besoin est d'autant plus fort que des changements structurants affectent ces métiers, que ce soit dans leur organisation ou bien dans leurs modalités d'exercice, comme c'est le cas pour le métier d'évaluateur du Domaine.
Néanmoins, face à la complexité croissante des dossiers d'évaluation, la pédagogie est nécessaire, mais n'est pas suffisante.
En matière d'évaluation, il apparaît de plus en plus que la coopération des collectivités locales avec le service du Domaine est incontournable pour mieux se comprendre. Même si le mot est parfois galvaudé, c'est un vrai partenariat qui permet de faire de beaux projets et donc de bonnes évaluations.
La direction nationale d’interventions domaniales
En effet, la DNID s’occupe notamment de la gestion des successions vacantes dont les collectivités publiques sont parmi les principaux bénéficiaires, notamment les départements au titre de l'aide sociale.
Le Domaine peut aussi intervenir pour le compte des collectivités pour valoriser leurs biens réformés au travers de ventes animées par des commissaires aux ventes répartis sur l'ensemble du territoire.
Enfin, elle exerce également une mission d’évaluation qui, si elle semble mieux connue par les collectivités, reste une mission complexe et sensible pouvant soulever des interrogations.
Dans ce hors-série, nous vous proposons un focus sur les évaluations, réalisé par Alain Caumeil, Directeur de la DNID, l’occasion de revenir sur leur cadre légal et sur les valeurs ou méthodes mises en œuvre.
Les évaluations du Domaine sont les seules qui, à la fois, offrent une prestation de service mais aussi un contrôle de la valeur des opérations immobilières des collectivités locales.
C'est une prestation de service au bénéfice des collectivités qui ont besoin d'une valeur pour conduire leurs projets immobiliers. La valeur donnée par le Domaine permet à la collectivité de s'assurer de la soutenabilité budgétaire du projet qu'elle souhaite réaliser.
Cependant, cette logique de prestation de service ne doit pas occulter que l'avis du Domaine est également destiné à contrôler les valeurs auxquelles les collectivités locales réalisent leurs opérations immobilières.
L'objectif de l'intervention du Domaine est d'assurer la transparence des transactions immobilières et le bon emploi des fonds publics, en évitant des opérations qui ne correspondraient pas aux conditions du marché. Le rôle du service du Domaine est de fixer une valeur de marché de manière indépendante (pas d'intérêt à l'opération) et en toute objectivité (la valeur est justifiée).
Les enjeux ne sont pas négligeables. Les 120 000 évaluations réalisées en 2018 par les évaluateurs du Domaine ont porté sur pas moins de 66 Mds € .
L'évaluation réalisée par le Domaine est une garantie donnée aux élus locaux pour conduire leurs projets immobiliers.
Les collectivités locales sont tenues de saisir les services du Domaine en cas d'acquisition (seuil de 180 000 €), de cession ou de prise à bail (seuil de 24 000 €).
Cette saisine est une formalité essentielle pour ne pas entacher d'illégalité la décision de l'organe délibérant, qui ne peut statuer valablement sans cet avis, qui peut être exprès ou implicite (après un délai d'un mois).
Toutefois, rappelons que si la saisine du Domaine est obligatoire, en revanche, la valeur donnée ne s'impose pas aux collectivités locales, contrairement à un service de l’État.
L’évaluation fixe-t-elle un prix ?
L’évaluation aboutit à la détermination d'une valeur et non d'un prix : le prix est un montant sur lequel s'accordent deux parties, alors que la valeur n’est qu’une probabilité de prix fixée en amont et qui doit recueillir l’assentiment des parties. C’est pour cette raison qu’elle est généralement affectée d’une marge d'appréciation de 10 à 15 %.
Par ailleurs, il est important de souligner que l’évaluation rendue par le Domaine encadre les termes d’une transaction, interdisant normalement de vendre « au-dessous » d'un montant (c'est le montant minimum) ou à l'inverse d'acheter plus cher (c'est le montant maximum). Le principe de libre administration des collectivités locales vient toutefois tempérer cet interdit, puisqu’il leur permet de s'écarter de l'évaluation du Domaine, à condition que cela soit justifié.
En effet, le juge admet que des motifs d'intérêt général conduisent une collectivité à s’éloigner de l'évaluation domaniale au-delà de la marge de négociation de 10 à 15%. Mais en l'absence de justification la préfecture au titre du contrôle de légalité et le juge administratif peuvent déclarer l'acte illégal.
Enfin, rien n'interdit à la collectivité de négocier pour mieux vendre (plus cher que le Domaine) ou pour mieux acheter (moins cher que le Domaine).
Les évaluateurs, grâce à leur connaissance du marché, intègrent naturellement les évolutions du marché (tensions subites ou retournement brutal du marché), mais toujours avec un décalage dû aux délais de restitution de l’information. Cela peut conduire à un écart plus ou moins important entre l'évaluation et le prix de réalisation. Ces évolutions du marché conduisent à limiter la validité d'une évaluation dans la durée qui est, en principe, d’un an.
Par ailleurs, un prix de marché est une valeur «sans passion». Il est toujours possible de trouver un acheteur disposé, pour des convenances personnelles, à payer un prix hors marché, car il désire absolument un bien (agrandissement, valeur sentimentale…).
Les interrogations sur la valeur sont plus fréquentes quand il est envisagé un changement dans l'utilisation du bien, c'est-à-dire lorsqu’un projet va changer la destination de l'immeuble. Dans ce cas, l'évaluateur a besoin de connaître les intentions de la collectivité.
Un projet précis est une condition sine qua non d'une bonne évaluation. En effet, si le projet est flou ou absent, cela conduit à valoriser le bien en poursuite d’usage par la méthode des comparables, c'est-à-dire par comparaison avec des transactions réalisées pour des biens similaires dans le même périmètre géographique.
Or, la valeur d'un terrain à bâtir, par exemple, dépend non pas de son passé, mais davantage de son avenir et de son potentiel constructible. Les droits à construire existants ne donnent qu'une vision partielle du potentiel de valorisation. Ce sont les caractéristiques du projet qui vont permettre la valorisation. De même, les évolutions des droits à construire permis par le PLU (plan local d'urbanisme) influencent de manière notable la valeur du foncier.
L'existence ou l'absence d'un projet est un élément essentiel pour déterminer la méthodologie d'évaluation la plus adaptée. Dans l'hypothèse d'un projet d’aménagement ou de promotion immobilière, qui va modifier la destination de l'immeuble, la valeur du foncier qui va en permettre la réalisation sera fortement impactée.
Un projet immobilier conduit normalement à une densification qui contribue à élever la valeur du foncier. C'est ce que d’aucuns appellent la rente foncière. La valorisation correcte du foncier doit permettre une répartition de cette rente entre le propriétaire (qui peut être ou pas une collectivité), le promoteur ou l’aménageur, et naturellement la collectivité en particulier au regard des exigences urbanistiques qu’elle peut imposer.
Pour ces opérations, les évaluateurs élaborent un compte à rebours qui va consister à déterminer les recettes et les dépenses du projet. Le solde de l’opération représente la charge foncière c’est-à-dire le montant que le promoteur/ aménageur est en capacité d’investir pour acquérir le foncier en équilibrant financièrement son opération immobilière.
En l'absence d’information sur ces éléments, le travail de l'évaluateur est très difficile, voire impossible.
Aussi, la collaboration de la collectivité est incontournable pour obtenir toutes les données du bilan du projet et pour permettre à l'évaluateur de challenger les postes de recettes et de dépenses en fonction des fourchettes de prix habituellement pratiquées par les opérateurs.
Les relations entre l’évaluateur et une collectivité locale peuvent être complexes quand cette dernière souhaite réaliser un équipement public sur un bien propriété de l’État, dont ce dernier entend se séparer.
L’État, représenté par l'évaluateur, entend, comme tout vendeur, tirer le meilleur parti de la vente du bien et la collectivité peut considérer que son projet d'équipement public est incompatible avec une valorisation en valeur de marché.
L’État peut vouloir privilégier ses intérêts financiers au détriment du projet de la collectivité ou bien y renoncer pour permettre au projet public de se concrétiser.
Dans l’intérêt bien compris des deux parties, il est souhaitable que la collectivité présente en toute transparence ses intentions permettant de justifier le choix du site et les raisons qui expliquent le contenu programmatique, notamment l'absence d'immeubles de rapport.
L’Etat sera naturellement enclin à accepter une valeur plus faible si les efforts sont partagés. Il en va ainsi quand le projet comporte par exemple des apports de foncier par la collectivité qui contribuent en totalité à la réalisation du projet d'équipement public.
La négociation doit permettre de trouver un compromis qui concilie la réalisation du projet et le renoncement à une valorisation optimale du bien.
En tout état de cause, l’État préservera ses intérêts en insérant dans l'acte de vente des clauses lui permettant de réajuster la valeur de cession en cas d'évolution du projet.
Le métier d'évaluateur évolue. Son organisation a récemment été modifiée avec la création de pôles d'évaluation domaniale.
Cette réorganisation a consisté à regrouper les évaluateurs au sein de pôles spécialisés afin d’atteindre une taille critique et à les implanter à un niveau supra-départemental, sauf exception, alors qu'ils étaient traditionnellement présents dans chaque département.
Cette évolution était indispensable pour constituer des équipes en capacité de répondre quantitativement et qualitativement aux exigences des collectivités.
Parallèlement à cette réorganisation, le seuil d'intervention du Domaine a été porté pour les acquisitions amiables de 75 000 à 180 000 € pour concentrer le travail des évaluateurs sur les opérations à enjeux.
Les évolutions ne s'arrêtent pas là et touchent désormais directement aux méthodes de travail des évaluateurs, comme par exemple les évaluations à distance.
Aujourd'hui, les évaluations à distance sont possibles grâce aux outils dont disposent désormais les évaluateurs pour réaliser de manière rigoureuse une évaluation du bureau. Les données disponibles sur l'immobilier se multiplient et leur exploitation permet des évaluations fiables. Naturellement ces évaluations du bureau doivent être réservées à des biens standards qui se prêtent tout à fait à ce type de méthode.
Nous ne sommes qu'au début de ces changements en matière d'outils à disposition des évaluations, et l'intelligence artificielle va venir impacter très fortement les pratiques d’évaluation dans les années à venir.
Par ailleurs, l'utilisation de ces nouvelles techniques est indispensable pour gagner en efficacité et consacrer, ainsi, tout le temps nécessaire à la réalisation des évaluations complexes. C'est sur ces évaluations à forte valeur ajoutée que les collectivités locales attendent légitimement
Les évaluateurs du Domaine sont des agents de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) affectés à la DNID ou dans l'un des 59 pôles d'évaluation domaniale d'une direction des finances publiques. Découvrez ci-dessous ce métier passionnant et atypique.
Retrouvez la vidéo sur le métier d’évaluateur du Domaine ici.
Le métier d'évaluateur du Domaine est un poste d'expertise occupé la plupart du temps par des diplômés de l'enseignement supérieur (en moyenne bac +4) et qui ont exercé des fonctions fiscales, financières ou comptables dans des services de la DGFiP avant d'être évaluateur. Ce parcours académique et professionnel diversifié constitue un atout pour exercer le métier d'évaluateur.
Chaque évaluateur a le sentiment d’accompagner des projets qui reconfigurent les paysages urbains et structurent la vie économique, sociale et culturelle locales des territoires sur lesquels ils exercent leur mission.
C'est aussi un métier avec de fortes responsabilités au regard de la portée des évaluations, des enjeux concernés et des interlocuteurs de premier plan que sont les préfets, les maires...
Il se caractérise par la large autonomie qui leur est laissée. L'évaluation est un métier de terrain qui s'exerce la plupart du temps de manière individuelle.
Mais travail individuel ne veut pas dire travail solitaire et indépendant. Les travaux des évaluateurs sont supervisés par au moins un supérieur hiérarchique, à l’exception des évaluations de faible montant pour lesquelles l'évaluateur dispose en général d’une délégation de signature. Un évaluateur est également membre d'une équipe qui est incitée à échanger pour mutualiser les expériences et confronter les points de vue.
Au niveau national, la DNID (direction nationale d'interventions domaniales) est chargée de l'animation des 59 pôles d'évaluation domaniale. Le rôle de cette direction spécialisée est la formation initiale et continue des évaluateurs, l'élaboration et l'actualisation de la documentation métier et la réponse aux questions des évaluateurs. Au travers d'une brigade nationale, elle intervient dans des dossiers d'évaluation complexes et apporte un soutien en cas de surcharge au plan local.
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